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Leur cartable : Bernard Chenez

Leur cartable : Bernard Chenez

Bernard Chenez - Paroles d'auteur... - Samedi 16 Juillet 2016

TATOUPRIS 

A peine avalée la tartine beurrée et le bol de café au lait, ma mère donnait le signal : “ Tatoupris ? ” Oui, je n'avais rien oublié. Depuis la veille au soir, mon sac d'école était prêt. On disait “ sac d'école ”, le mot cartable ne figurait pas dans notre vocabulaire familial, sans que j'en connaisse le pourquoi. Le plumier en bois à doubles tiroirs coulissant renfermait les outils nécessaires pour accomplir avec sérieux mon métier d'écolier.

Les plumes Baignol et Farjon “ Gloire De Boulogne ” n° 3 298 avaient ma préférence. Plus rondes, plus féminines que les “ Sergent Major ”, raides et dures qui justifiaient à mes yeux leur allure par trop militaire. Sur le couvercle coulissant, le mot PLUMIER était inscrit en lettres à l'anglaise que je m'efforçais, avec un certain succès, à reproduire dans mon cahier d’écriture. Cette majuscule, ces pleins et ces déliés m'ouvraient à l’esthétique. Déjà. Le livre de grammaire annonçait la dictée du mardi matin. Celui d'histoire, les leçons à apprendre, le soir, sur la table de la cuisine. Saint Louis sous son chêne, le chevalier Bayard, Jeanne d'Arc devant Orléans, Louis XIV “ qui avait trop aimé la guerre... ” habillaient mes rêveries.

J’ignorais encore qu'Epinal avait déjà récupéré toutes ces images. Dans une de ses chansons, Claude Nougaro affirme que son cartable était bourré de “ coups de poings ”. L'école primaire où je faisais mes classes étant située à six cents kilomètres plus au nord que sa ville rose, mon sac d'école ne contenait que de sages ennuis. Nulle odeur de cuir, clos par un unique fermoir en fer blanc, mon sac était en carton bouilli. Comme mes culottes courtes, il a dû finir dans une malle de grenier, avant que l'oubli, jusqu'à aujourd’hui, ne le fasse disparaître.

Bernard Chenez - Dessinateur